Mariees a des hommes partis emigrer en Occident, des milliers de Senegalaises passent des annees sans voir un mari. Elles doivent gerer J’ai pression familiale, le manque d’argent et l’absence d’amour.
Assise dans un canape en cuir beige, ses grandes jambes se balancent concernant l’accoudoir. C’est dans son salon qu’Awa (les prenoms ont ete changes) deroule sa vie de femme mariee a un « Modou-Modou », tel on appelle les emigres au Senegal.
Le couple a un garcon de 3 annees.
le pere ne l’a pas decouvert. Jusqu’a present, faute de papiers, il n’a pas pu revenir au Senegal. Ce serait prendre le risque de ne plus pouvoir repartir. En attendant, coup de telephone quotidien et envois de videos d’une vie d’ici maintiennent l’intermediaire. Awa s’interroge :
« En dix annees de mariage, nous n’avons vecu que quatre mois ensemble. Sans votre separation, combien d’enfants aurions-nous pu avoir ? Combien de choses aurions-nous pu Realiser ? »
L’indignation l’emporte quand elle raconte combien Il semble dur et humiliant d’obtenir 1 visa de tourisme Afin de rendre visite a le epoux. Awa a attendu trois ans avant de pouvoir partir pendant ses vacances.
Elles n’ont nullement decouvert un mari depuis deux, quatre… voire dix annees
Le histoire est celle de la plupart des femmes de Louga, a 200 km au nord de Dakar, la capitale. C’est dans cette ville de 200 000 habitants que les emigres seront les plus nombreux. Poussees par la famille, par nos amies, de nombreux jeunes filles croient qu’en epousant 1 Modou-Modou elles n’auront aucune souci materiel. Et si la crise economique mondiale a complique votre schema, les ideaux restent tenaces. Awa relate :
« Entres elles, des filles se disent : “Si ce n’est jamais un emigre, ne te marie jamais avec lui”. Certaines quittent meme leurs site smooch petits copains pour un Modou-Modou qu’elles connaissent a peine. »
Le modele reste si fortement ancre dans la societe que dans la region du Fouta (nord du Senegal), « des hommes se plaignent de ne point trouver de femmes car ils ne sont pas emigres », explique Fatou Sarr Sow, sociologue specialiste du genre et des migrations
Au bord des routes, de grandes villas poussent, les derniers modeles de 4?4 se pavanent dans les rues de cette ville aux allures de gros village. Les emigres ayant fera fortune sont loin d’etre majoritaires, mais ils entretiennent le fantasme.
15 000 a 20 000 hommes d’une region de Louga paraissent en Europe (Espagne, Italie et France principalement) et 5 000 a 6 000 a toutes les Etats-Unis, d’apri?s Amadou Fall, adjoint au maire de Louga, charge des Lougatois de l’exterieur. Mes jeunes fuient un taux de chomage de 60%.
Comme en Occident au moment des guerres, une grande majorite de la population de la ville est composee de femmes qui n’ont jamais surpris un mari depuis deux, quatre, six voire dix annees.
« Je lui ai demande : “Qui s’est marie ? ” Elle m’a repondu : “toi” »
Awa reste une exception, car son union est 1 mariage d’amour. A 13 annees, Fatimata fut mariee de force par sa tante, persuadee qu’une alliance a 1 modou-modou permettrait des revenus financiers assures.
Suivant le capitaine Moustapha Ndour, commandant de la compagnie de gendarmerie d’une region de Louga, de 2008 a juillet 2010, des trois quarts des mariages scelles avec des emigres sont des mariages forces.
Aujourd’hui, Fatimata a 20 ans. Elle n’a cesse de reclamer le divorce a un mari qui l’ignore. Droite et fiere, installee en tailleur via le lit de sa patronne, elle raconte son mariage :
« Un jour, je discutais avec mes copines sur la terrasse. Ma tante arrive avec des noix de kola, qu’on distribue traditionnellement Afin de celebrer un mariage. Je lui ai demande : “Qui s’est marie ? ” Elle m’a repondu : “toi”. »
Dans la religion musulmane, pas besoin d’une presence des deux epoux pour celebrer le mariage. L’adolescente voit le mari une fois, puis celui-ci repart en Europe. Envoyee manu militari dans la maison de sa belle-famille, personne ne la soutient. Pendant six mois, le mari ne lui enverra pas d’argent et ne lui telephonera gui?re. Trois ans apri?s, elle lui arrache enfin 1 divorce, plus facile a obtenir car ils n’ont pas eu d’enfants.
Un taux d’infanticide eleve
Consequences des mariages precoces et forces : un taux d’infanticide eleve lie a des grossesses extra-conjugales.
« Ces cas seront lies a toutes les questions d’emigration. Les maris laissent leurs dames fort jeunes, pendant des temps tres longs », souligne le capitaine Moustapha Ndour.
Depuis 2008, six cas connus d’infanticides ont ete repertories dans la region, ainsi, les journaux senegalais font regulierement echo des faits plusieurs. Au Senegal, concevoir 1 enfant hors-mariage est considere tel une honte. J’ai sociologue Fatou Sarr Sow precise :
« Mes infanticides ont souvent lieu dans le milieu rural. Ces jeunes femmes paraissent dans des etats de depression tels qu’on ne va gui?re parler d’acte choc. »
« regulii?rement, l’infanticide reste camoufle par la famille. Notre plus souvent, ces femmes enterrent leurs nouveaux-nes, des jettent dans un puits ou nos abandonnent dans l’impasse », rapporte le capitaine.
A Louga, il n’existe pas d’associations ou de services d’assistance sociale pour leur venir en aide. Touty Dieng est la seule personne a avoir canalise chacune des angoisses de ces epouses d’emigres. Pendant dix annees, la vieille dame a anime une emission radio, Confidences, qui un est consacree. Deux fois via semaine, elle lisait deux lettres envoyees anonymement par ces jeunes femmes.
Et Touty Dieng en a recu des centaines et des centaines. On y abordait l’ensemble des themes. Comme ces femmes choisies a distance par des hommes. En Europe, des Senegalais les ont trouves jolies sur une video ou une photographie, envoyees Afin de montrer le dernier bapteme de la famille. S’ensuivent des requi?tes en mariage, dont peu de refus.
« Pour les hommes, c’est plus pratique. Quand ils reviennent pendant leurs deux mois de vacances, ils ont la possibilite de consommer en direct le mariage. Ils ne perdent pas de temps a chercher une femme a Louga et a preparer la ceremonie ».